Voici l’analyse que John Woolley fait de cette histoire : «C’est un cas classique de “Voir ce à quoi on croit”. J’ai tendance à considérer l’information issue de nos sens comme passant à travers des filtres – ou comme étant mise en forme par nos cerveaux – tout comme nous essayons de donner du sens à tout ce qui se passe autour de nous. Cela signifie que la même information sensorielle peut être interprétée assez différemment par nos cerveaux suivant les occasions, suivant les filtres ou les formes qui opèrent à ces moments donnés. Dans le cas de nos pigeons, la lumière de l’éclairage public, en dessous de nous, nous était renvoyée bien mieux par le ventre blanc et rond des pigeons que par le reste de leur corps, ce qui faisait ressortir bien plus les ventres sur le ciel noir. Aussitôt que nous avons vu les quatre objets blancs, un filtre ovni a surgi dans nos cerveaux. ll est absolument extraordinaire de voir avec quelle efficacité le filtre ovni a évacué le reste des pigeons.
Au premier passage, on n’avait pas le moindre soupçon sur le fait qu’il puisse s’agir de pigeons. Au moment où ils ont effectué leur second passage, chacun de nous était parvenu à mettre de côté le filtre ovni et à le remplacer par un filtre plus du genre “OK, que regardons-nous vraiment ?” Alors que les pigeons approchaient de nouveau, ces ventres ronds et blancs étaient si fascinants qu’il fallut beaucoup de concentration pour voir au-delà d’eux le reste des pigeons. » Deux astrophysiciens regardent le ciel par une belle nuit claire. Ils voient dans le ciel deux cercles blancs qui se déplacent à grande vitesse et qui bientôt disparaissent. Perdus dans leurs pensées sur le cosmos ils sont persuadés avoir vu deux ovnis passer à grande distance. Quelques minutes plus tard le phénomène se reproduit et là ils voient qu’il ne s’agit que du ventre blanc de pigeons qui volent à faible hauteur. L’histoire est déjà instructive mais elle ne s’arrête pas là… «
Quelque temps plus tard, pendant une séance d’observation publique, j’étais de nouveau sur le toit en train de regarder le ciel. A côté de moi se tenait un jeune d’environ 14 ans, lorsqu’un pigeon solitaire vola au-dessus de nos têtes. Le garçon se retourna vers moi et me dit : “Waouh ! Vous avez vu ça ? Un ovni vient juste de traverser la Grande Ourse !” “Oui”, ai-je répondu, “cela arrive de temps en temps ici, et il s’avère que ce ne sont pas des ovnis mais des pigeons”. Je me suis ensuite lancé dans l’explication des ventres blancs qui reflétaient la lumière et des filtres dans le cerveau qui sélectionnaient les données, etc, etc. Bien que cet événement se soit passé environ deux décennies avant la sortie de Men In Black, j’ai dû faire une assez bonne imitation du personnage tenu par Will Smith qui essaie de convaincre quelqu’un qu’il n’a pas vu ce qu’il vient juste de voir, parce que ce garçon ne croyait rien de ce que je lui disais. Il savait ce qu’il avait vu (perçu, en réalité) et il n’avait certainement vu aucun pigeon. Son incrédulité totale vis-à-vis de ce qu’il entendait se lisait sur son visage. Je pouvais quasiment voir les engrenages tourner dans sa tête, alors qu’il tentait de mettre en adéquation ce que je lui disais avec ce qu’il avait vu (perçu). »« Pendant qu’il essayait de trouver ce qui se passait, poursuit John Woolley, l’expression sur son visage passa graduellement de l’incrédulité à la compréhension puis à l’”Eureka !”. Il recula alors d’un pas, pointa un doigt vers moi et cria : “VOUS FAITES PARTIE DE LA CONSPIRATION !” J’étais tellement déconcerté que je ne pus donner de meilleure réponse que “NON, NON, honnêtement, c’était un pigeon !” Il tourna le dos et s’en alla, apparemment convaincu de deux choses. Premièrement que des soucoupes volantes nous rendaient visite et, deuxièmement, qu’existait un vaste complot destiné à cacher cette information au grand public. Et tout ça parce qu’il n’avait pas su reconnaître un pigeon.