Mon contact à Moscou Stella Volkenstein est une philologue polyglotte qui était une des collaboratrice de Sakarov. Je l’avais connue lors de mon premier voyage en URSS lorsque qu’avec un pool de journaliste américains on avait suivit une comédie musicale jouée par des enfants russes et américains, Cela faisait partie des signes de détente voulu par Corbatchev le nouvel homme fort du régime. Sacha le fils de Stella était le metteur en scène du spectacle des Enfants de la Paix. C’est Steloa qui m’avait parlé de la réunion ou je m’étais rendu sans invitation. Il faisait moins vingt centigrades et le vent soufflait la neige gelée dans les rues de Moscou. Devant la salle où se tient la réunion les hommes en civil du KGB observent de loin assis au chaud dans leurs Tatra noires à la calandre bâchée contre le froid et dont il laissait tourner le moteur. Il faisait bien vingt degrés en dessous du zéro et le vent balayait en bourrasque des volutes de neige glacées sur le boulevard moscovite.
Dans la salle de spectacle transformée en meeting politique les intervenants se succèdent a la tribune et je m’étonne de voir tant de militaires. Boris Eltsine un député de la Douma fait partie des organisateurs. Il semble très joyeux si on considère la gravité de l’ambiance générale. Peut-être avait il déjà eu quelques vodka dès le matin comme de nombreux Russes le font en hiver. Pendant toute la durée des discours dont certains par des militaires Eltsine avait l’air de bien s’amuser pourtant ce qui se discutait là était la fin de quatre-vingt ans d’un ordre établit par le communisme. Avec la « glassnost » la transparence, et la « perestroïka ». Corbatchev avait ouvert la boite de Pandorre.
Ce jour-là 15 décembre 1989 j’ai tourné ces images d’Andrei Sakarov a peine quelques heures avant sa mort. Jusqu’au dernier moment était sollicité par tous et s’il y avait une âme slave derrière la prise de conscience de la Russie communiste c’était lui. A ce moment le monde ne savait pas que ces discours ennuyeux dans cette salle surchauffé au coeur de l’hiver moscovite serait le début de l’effondrement de l’empire soviétique. Andrei Sakharov, le père de la bombe atomique et prix Nobel de physique devenu militant des droits de l’homme qui a passé vingt années en exil dans la ville interdite de Gorki. Il était devenu la référence intellectuelle du nouveau congrès de l’Union soviétique. Il est mort ce jeudi soir après une longue et fatigante journée à l’âge de 68 ans. Le lendemain une journaliste d’Antenne Deux que j’avais rencontré en cherchant un taxi m’appelle pour me demander l’adresse de mon contact avec Sakarov. Je retrouvait la journaliste à Ostenkino au siège de la télévision soviétique pour annoncer la nouvelle dans un direct sur le journal du soir d’Antenne2 avec une brève interview de Stella. C’était très décevant car on avait l’impression que la france n’en avait rien à faire.