« Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu percer sans frémir ces portes d’ivoires ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l’image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l’instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l’œuvre de l’existence. »

A en croire Clément Rosset, les humains partagent tous le rêve d’un «double » de la réalité, un rival du réel, que les hommes s’inventent, au quotidien, pour survivre dans un monde qui se moque, à vrai dire, de ce qu’ils sont comme de ce qu’ils y font. De sorte que la condition humaine lui semble une tragi-comédie dont les protagonistes ne cessent de fuir ce qui est pour vénérer ce qui n’est pas.

C’est en général au philosophe qu’on reproche de voir midi à quatorze heures, de se prendre la tête, ou de dire en plusieurs livres ce qui tient en quelques phrases or, ce que montre Clément Rosset, dans des ouvrages brefs, clairs et désopilants, c’est que tout le monde voit double, et qu’il est beaucoup plus facile de se compliquer la vie, que de regarder, simplement, ce qu’on a sous les yeux.