Nous habitions dans un ensemble d’immeubles construits après guerre avec l’argent du plan Marshall. Le Supreme Headquarters Allied Powers Europe (SHAPE) de Rocquencourt n’était pas loin à l’ouest de Paris et des familles d’officiers étaient logés dans ces immeubles de trois étages séparés par une pelouse et des allées en béton. Je suis né en 1948 et sept ou huit ans après la fin de la guerre le mythique chewing-gum américain était encore pour les gamins français une attraction que nous venions solliciter sans vergogne et que des voisins qui ne parlaient pas notre langue nous distribuaient tous alignés dans l’escalier de l’immeuble avec une rigueur toute militaire.
Notre groupe d’immeubles était entre la rue de Silly au bout de laquelle se trouvaient les studios de Boulogne et la rue de Koufra, une petite rue sinueuse et ombragée derrière la paroisse Sainte Thérèse. C’est là que nous jouions le plus souvent car il y avait un terrain grillagé toujours ouvert de la cour des Sœurs avec de vieux arbres noueux et un gros cerisier qui nous servait de terrain de jeux. Avec Jani, Paulo les deux frères qui étaient mes voisins d’en face nous nous étions nommés les « emmerdeurs public » et avec nos sarbacanes de plastic rouge nous régnions sur la rue de Koufra du haut de arbres de la cour de Sœurs.
Très peu de véhicules y passaient mais un charaban d’un autre âge qui servait de transport publicitaire au vins du Postillon, le rouge le plus connu de l’époque, venait s’y reposer à l’ombre des granfs platanes. C’est dans cette rue que je jouais avec d’atroces patins à roulettes aux roues de fer qui faisaient un bruit épouvantable et avec lesquels je me donnais les plus grandes frayeurs de ma jeune vie. Quand je tombais j’avais l’impression de ma faire si mal que je disais à chaque fois « je suis mort, je suis mort » et puis je repartais, Un peu plus loin il y avait un terrain vague dont des clochard de passage avaient fait une décharge habitable. C’est là que tout seul en prenant de la vitesse du haut d’un monticule de terre je découvrais que je pouvais tenir sur un vélo sans les petites roues de derrière.
Un jour par une belle après midi de printemps en jouant avec des allumettes un vieux matelas avait prit le feu. C’était de notre faute et nous nous étions enfuis effrayés par l’énorme fumée noire. En courant vers la maison je croisais ma mère qui allait à notre rencontre avec une assiette de petits gâteaux et un pichet de lait. Je n’ai jamais oublié l’émotion et la honte ressentie pour avoir mal agit alors que ma mère si bonne ne pensait qu’à notre bien-être. Les pompiers conclurent que c’était les clochards qui avaient mis le feu aux ordures mais nous avions eu très peur d’être punis.