Couchettes et wagon-lit

On entrait toujours dans un compartiment couchettes avec une certaine appréhension. Sur qui allait-on tomber? Des ronfleurs, des pue des pieds ou peut-être des râleurs qui vous diraient de faire moins de bruit. J’allais chaque année de Paris à Montauban avec le Capitole de nuit parce-que  le car pour aller dans le petit village de ma grand-mère ne partait que le matin. Des matins difficiles car bien que long à venir le sommeil bercé par la musique des rails était profond et le réveil du contrôleur intempestif. On y dormait peu mais bien et malgré la fatigue on était de bonne humeur toute la journée. Cependant mes meilleurs souvenirs de trains de nuit sont ceux, quand j’étais plus petit, et que je partageais une cabine de wagon-lit de la Cook avec mon père pour aller en Suisse en hiver. Rien ne pouvait rivaliser avec cette sensation de voyage d’aventure, de cabine de cargo du bout du monde éprouvé dans ces trains de luxe. L’ingéniosité de l’agencement, la chaleur des boiseries et le confort des lits vous enveloppait dans des rêves sortis tout droit du monde de Jules Verne. L’idée même de foncer dans une nuit noire tout en se sentant en sécurité pour aller dans un autre pays était assez pour enflammer mon imagination de gosse. Je faisais des rêves fabuleux et au réveil des odeurs nouvelles et des voix étrangères me disait qu’on passait la frontière puis je me rendormais pour retrouver mes rêves. La disparition des trains de nuit c’est vraiment la fin d’un long rêve.